Moelle - Myélogramme
Technique du prélèvement
Le prélèvement de moelle osseuse en vue d'un examen cytologique se fait avec un trocart (dont l'ancêtre est le trocart de Mallarmé) auquel on adapte une seringue pour aspirer le suc médullaire. Le lieu privilégié de prélèvement est le manubrium sternal (partie supérieure du sternum) qui est un des os plats restant le plus riche en moelle jusqu'à un âge avancé de la vie. Cependant chez l'enfant ce site peut présenter un danger (présence en arrière du sternum des feuillets pleuraux) et on lui préfère la crête iliaque ou une apophyse vertébrale.
La pénétration de l'os se fait en deux temps : corticale puis médullaire et ne nécessite qu'une anesthésie locale. Le suc médullaire recueilli est projeté sur une lame inclinée pour le débarrasser du sang qui dilue la moelle proprement dite, puis les grumeaux de moelle sont récupérés et étalés sur lame par écrasement et séchage rapide. La moelle peut aussi être utilisée pour des études cytochimiques (peroxydases, coloration de Perls…), cyto-génétiques et immunomarquages.
Techniques de lecture au microscope
Elle se fait en 2 temps : une première lecture, rapide, à un faible grossissement (x10 ou x20), une seconde lecture approfondie à l'immersion (x100) pour établir le pourcentage des cellules médullaires.
1 - La première lecture au faible grossissement
Apprécie la richesse de la moelle, permet de compter les mégacaryocytes, recherche d'éventuels amas de cellules, enfin choisit le meilleur endroit, bien étalé, pour faire le décompte des cellules médullaires.
La richesse de la moelle
L'appréciation de la richesse de la moelle est essentielle pour interpréter le myélogramme final même si cette appréciation est grossière et imprécise. Elle comporte une cotation en 5 grades : de 0 (moelle désertique, quasi vide de cellules) à 4 (moelle hyperplasique où les cellules sont tassées les unes contre les autres), avec les intermédiaires de 1 (moelle pauvre), 2 (moelle normale) et 3 (moelle un peu trop riche). L'indication de la richesse de la moelle doit toujours être donnée sur la feuille de résultat.
Le comptage des mégacaryocytes
Les mégacaryocytes étant en faible nombre par rapport au reste des cellules médullaires, ils ne peuvent pas être inclus dans les pourcentages du myélogramme, ils représentent moins de 0,001% de ceux-ci. Cependant leur présence doit être attestée pour affirmer qu'une moelle est normale. On doit donc les compter sur l'ensemble de la lame, au faible grossissement (x10 ou x20) où ils apparaissent nettement comme de très grosses cellules. Leur nombre absolu dépend de la longueur du frottis, en général il se situe aux alentours de 50. Au dessous de 10 à 15 la moelle est pauvre en mégacaryocyte, au dessus de 100 elle est anormalement riche en mégacaryocytes. En cas d'aplasie médullaire il y a absence totale de mégacaryocyte sur le frottis.
La recherche des amas de cellules
Elle se fait elle aussi à un faible grossissement.
Recherche des inégalités de répartition des lignées, notamment les amas d'érythroblastes qui ont tendance à former des îlots (attention au risque de fausser les pourcentages),
Recherche de cellules non hématopoïétiques ou étrangères à la moelle : cellules non hématopoïétiques mais constitutives de la moelle normale (cellules graisseuses, ostéoblastes, ostéoclastes), cellules extra médullaires, souvent en amas, ramenées fortuitement lors du prélèvement (cellules de la peau, cellules glandulaires, cellules pharyngées).
Recherche de cellules métastatiques, le plus souvent en amas, dans une moelle généralement pauvre,
Recherche de cellules pathologiques diverses : cellules des maladies par surcharge, macrophages, parasites.
Le choix de l'endroit de comptage
Il est nécessaire pour établir le pourcentage des cellules médullaires de choisir un endroit de la lame qui ne comporte aucun artefact ou difficulté de lecture : cellularité ni trop faible ni trop forte, coloration normale et homogène, absence de rayures ou tache de colorant, hématies ni lysées ni tassées, cellules médullaires bien détachées et bien étalées, à bords nets, absence d'îlots d'érythroblastes.
2 - La seconde lecture à l'immersion
Permet d'établir le pourcentage des cellules médullaires. Pour cela il faut : donner un nom à toutes les cellules observées, compter au moins 200 cellules, rendre le résultat sous forme du pourcentage de chaque catégorie cellulaire, rédiger une conclusion avec un commentaire sur les éventuelles anomalies constatées.
Donner un nom à toutes les cellules est essentiel sous peine de fausser complètement le résultat final. Doivent être comptabilisées et nommées toutes les cellules comprenant un cytoplasme et un noyau, il ne faut pas « sauter » celles où l'on hésite, au besoin ouvrir une rubrique « cellules de nature non définie » et revoir ces cellules en fin de comptage si leur pourcentage est important (> 2 à 3%), faire attention aux noyaux nus ou aux cellules éclatées (s'ils sont nombreux il peut s'agir de la cellule pathologique), comptabiliser dans un champ les cellules visibles en entier et non coupées sur les bords du champ.
Le Nombre de cellules examinées et comptées doit être au moins de 200, mais il peut s'avérer nécessaire d'en compter plus (400) en cas d'anomalies de maturation (blocage médullaire). Il convient de compter ensemble la lignée granuleuse, la lignée érythroblastique et les cellules blanches non granuleuses et de rapporter leur taux à 100. Commentaire et conclusion sont utiles si des anomalies de répartition sont constatées ou si l'on observe des anomalies morphologiques d'une lignée ou d'un type cellulaire.
Le Myélogramme
La feuille de résultat doit comporter : outre les mentions d'identification (nom, date…), l'indication du siège de la ponction, l'appréciation de la dureté de l'os ponctionné, la cotation de la richesse médullaire, le nombre absolu des mégacaryocytes sur l'ensemble de la lame, le pourcentage d'ensemble de chaque lignée médullaire, le pourcentage des diverses cellules des lignées, un commentaire sur d'éventuelles anomalies morphologiques ou sur la présence de cellules étrangères, une conclusion
Le myélogramme normal
A été réalisé sans difficulté de pénétration de l'os,
Est de richesse 2 ou 3,
Comporte un nombre de mégacaryocytes égal ou supérieur à 50 pour un étalement occupant les 2/3 de la surface de la lame,
Montre un équilibre entre les 3 types de lignées cellulaires :
Lignée granuleuse : 60% (± 10),
Lignée érythroblastique : 25% (± 5),
Lignées non granuleuses : 15% (± 5).
Montre une image de « prolifération - maturation » harmonieuse pour les lignées granuleuses et érythroblastiques. Les pourcentages à l'intérieur de ces deux lignées sont en effet le reflet de leurs deux étapes de formation : étape de prolifération (division cellulaire) et étape de maturation (sans division cellulaire).
Pour la lignée granuleuse:
Étape de prolifération : peu ou pas de myéloblastes, peu de promyélocytes (coefficient de prolifération x 2), beaucoup de myélocytes (car plusieurs mitoses successives, soit un coefficient de prolifération x 4 à 8).
Étape de maturation : pourcentage identique de métamyélocytes et de myélocytes, un plus grand nombre de polynucléaires car il existe un compartiment de stockage de polynucléaires mûrs et le prélèvement de moelle est toujours dilué de sang.
Exemple de pourcentages pour la lignée granuleuse : 1 % de myéloblastes, 3% de promyélocytes, 19% de myélocytes, 15% de métamyélocytes et 23% de polynucléaires (total des granuleux : 61 %).
Pour la lignée érythroblastique
Étape de prolifération : peu ou pas de proérythroblastes, un peu plus d'érythroblastes basophiles (coefficient de prolifération x 2) et beaucoup d'érythroblastes polychromatophiles (car plusieurs mitoses successives).
Étape de maturation : pourcentage très proche d'érythroblastes polychromatophiles et acidophiles.
Exemple de pourcentages pour la lignée érythroblastique: 1% de proérythroblastes, 3% de basophiles, 8% de polychromatophiles et 10% d'acidophiles (total des érythroblastes : 22%).