Lignée granuleuse
Ce chapitre sur la ligné granuleuse est divisé en 6 parties :
(le chapitre 4 - Leucémies aiguës myéloïdes a été fractionné en deux pour optimiser le temps de chargement des photos)
2 – Pathologie des polynucléaires
Les principaux chapitres de la pathologie des polynucléaires sont les polynucléoses (neutrophiles), les neutropénies, les éosinophilies et les basophilies. On peut y ajouter les anomalies morphologiques, acquises ou congénitales, des polynucléaires.
1 – Les polynucléoses
Les polynucléoses, excès de polynucléaires neutrophiles au dessus de 7.500/µl, s'observent surtout dans les infections bactériennes où elles peuvent atteindre exceptionnellement des chiffres pseudo-leucémiques.
La lame de sang confirme l'excès de polynucléaires neutrophiles, généralement très granuleux. La polynucléose peut s'accompagner d'une myélémie, modérée et transitoire, faite surtout de métamyélocytes et de quelques myélocytes de 3ème génération.
La cause principale des polynucléoses neutrophiles est l'infection sous toutes ses formes, locales (abcès), focales ou généralisées (septicémies).
On peut aussi observer une relative polynucléose dans les maladies responsables d'un syndrome inflammatoire chronique, notamment les maladies rhumatismales et les cancers.
Certains médicaments, pris au long cours, augmentent le taux de polynucléaires circulants en partie par démargination. C'est le cas des corticoïdes.
Une polynucléose chronique est fréquente chez les tabagiques. Elle s'accompagne d'une augmentation de l'hématocrite et d'une thrombocytose relative.
2 – Les neutropénies
Une diminution du nombre des polynucléaires neutrophiles au dessous de 1.500/µl caractérise les neutropénies. Celles-ci comportent un risque infectieux qui dépend de plusieurs facteurs :
• le mécanisme de la neutropénie, plus grave si elle est d'origine centrale (insuffisance de production de polynucléaires) que si elle est périphérique (épuration sanguine rapide ou excès de margination),
• le caractère transitoire ou persistant de la neutropénie, la chronicité accentue le risque,
• la rapidité d'installation de la neutropénie, une neutropénie aiguë est plus dangereuse,
• le chiffre même des polynucléaires : entre 1.000 et 1.500/µl le risque est très faible, entre 500 et 1.000/µl le risque augmente mais est aléatoire, au dessous de 500/µl le risque est inéluctable si ce taux persiste quelque semaines.
Les neutropénies aiguës sont d'origine toxique, le plus souvent médicamenteuses, et s'observent actuellement surtout lors des chimiothérapies anticancéreuses. Leur mécanisme central fait qu'elles s'associent souvent à une thrombopénie. Elles sont transitoires, quelques jours ou semaines selon la durée et l'intensité de la chimiothérapie. Ces délais courts font que le taux des globules rouges est moins affecté par l'insuffisance médullaire transitoire.
Une cause classique de neutropénie aiguë intense ou agranulocytose, est la prise d'un médicament antalgique puissant, l'amidopyrine (ou son analogue, la noramidopyrine). Le mécanisme de cette agranulocytose aiguë est immunoallergique, chez des sujets prédisposés. La moelle est littéralement sidérée, en grande partie détruite, avec repousse immédiate à partir des cellules souches. Le phénomène est donc très transitoire (quelques jours) mais le risque infectieux particulièrement intense et grave (10% de mortalité). Cette agranulocytose aiguë ne devrait plus être observée puisque cette molécule thérapeutique a été retirée de la pharmacopée internationale. Cependant rien ne dit que certains médicaments antalgiques, de fabrication exotique et en vente libre sur Internet, ne contiennent pas d'amidopyrine. Il convient de rester méfiant.
Les neutropénies chroniques sont soit d'origine centrale, soit d'origine périphérique.
• Les neutropénies centrales, par insuffisance de production médullaire, s'associent habituellement à une anémie non régénérative et à une thrombopénie. Elles s'observent donc dans les aplasies, soit primitives soit secondaires à une leucémie aiguë, dans une myélosclérose ou dans une myélodysplasie.
• Les neutropénies périphériques sont liées à un excès de destruction, soit par un mécanisme auto-immun (par exemple dans un lupus disséminé), soit par hypersplénisme.
• Cependant la neutropénie chronique la plus fréquente est une pseudo-neutropénie par excès de margination. Dans ce cas, particulièrement fréquent chez les sujets de race noire, le taux global de polynucléaires circulants est normal et il n'y a aucun risque infectieux.
Le problème posé par une neutropénie chronique isolée est particulièrement irritant. Il est très difficile d'en déterminer le mécanisme et donc l'origine et le pronostic. La plupart sont des pseudo-neutropénies par hypermargination, mais certaines sont d'origine centrale et dues soit à une automédication inappropriée, soit au début d'une myélodysplasie qui ne se complètera que plusieurs années plus tard.
Pour trancher entre ces deux hypothèses (périphérique ou centrale) un test simple peut être utilisé, dit « test de démargination ». Il consiste à effectuer plusieurs numérations des polynucléaires dans les 4 heures qui suivent l'injection d'une faible dose de corticoïde. Celui-ci entraine une démargination des polynucléaires alors qu'il est évidemment sans effet immédiat sur la production médullaire. Seules sont à surveiller les neutropénies chroniques isolées ayant un test négatif. La moitié d'entre elles deviendront des myélodysplasies.
3 – Les éosinophilies
L'éosinophilie est définie par l'augmentation du nombre de polynucléaires éosinophiles au dessus de 500/µl,
Les éosinophiles en excès ont habituellement une morphologie tout à fait normale, avec un noyau bilobé et de grosses granulations rondes dont la plupart sont de couleur orangée, un petit nombre violettes. Certaines granulations manquent et apparaissent en négatif sous formes de vacuoles incolores.
Les deux étiologies principales des éosinophilies sont les maladies allergiques et les parasitoses (helminthiases).
• L'éosinophilie des maladies allergiques (asthme, urticaire, œdème de Quincke, etc.) est habituellement modérée, entre 500 et 1.000/µl.
• L'éosinophilie des parasitoses est habituellement plus importante (> 1.000/µl) et fluctuante dans le temps, selon le cycle du ver (courbe de Lavier). Cependant les parasitoses autochtones (ascaris, oxyure, tænia, larva migrans) donnent des éosinophilies plus modestes que les parasitoses exotiques (filarioses, bilharziose).
• De rares éosinophilies sont malignes et s'observent au cours de lymphomes, de cancers métastasés, de maladies systémiques graves avec vascularite. Parmi ces dernières on isole le « syndrome hyperéosinophilique » comportant une très forte éosinophilie fluctuante (> 10.000/µl), une fièvre ondulante, des manifestations viscérales variées (pulmonaires et cardiaques) et une évolution grave
4 – Les basophilies
L'augmentation des polynucléaires basophiles au dessus de 200/µl est rare. Le basophile a normalement l'aspect d'une mûre, à noyau trifolié peu visible car recouvert de grosses granulations noires, irrégulières.
Dans les basophilies pathologiques les granulations sont souvent moins abondantes, laissant entrevoir le noyau. Les basophiles sécrètent de l'histamine, les basophilies pathologiques s'accompagnent donc d'une hyperhistaminémie.
On peut observer une basophilie dans la leucémie myéloïde chronique où sa valeur pronostique péjorative est discutée. Les autres causes sont de rares maladies cutanées (mastocytoses) et une forme exceptionnelle de leucémie aiguë inclassable.
5 – Les anomalies morphologiques des polynucléaires
Les anomalies morphologiques des polynucléaires peuvent être acquises ou congénitales.
1. Les anomalies acquises sont le fait des myélodysplasies. Elles portent sur le noyau ou sur les granulations. La plus fréquente est la tendance à la dégranulation, pouvant aller jusqu'à la disparition totale des grains du polynucléaire neutrophile. Les anomalies nucléaires portent sur la lobulation. Le noyau peut être hypersegmenté (noyau à 8, 10 lobes ou plus), apanage de la maladie de Biermer. Le plus souvent il est au contraire non segmenté, réduit à un lobe (anomalie dite de Pelger) dans les myélodysplasies primitives de type anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) ou dans la myélodysplasie secondaire à une chimiothérapie intensive.
2. Les anomalies congénitales sont soit des curiosités, soit des maladies rares, éventuellement graves.
• Anomalie de Chediak : granulations et inclusions géantes dans les polynucléaires neutrophiles.
• Anomalie d'Adler : grosses granulations irrégulières et violettes
• Anomalie de May-Hegglin : inclusions basophiles (corps de Döhle) provenant d'ARN dénaturé.
• Anomalie de Pelger-Huet : noyau non lobulé.