Lymphocytes
1- Physiologie des lymphocytes
La physiologie des lymphocytes est très différente des autres cellules sanguines et on ne peut pas appliquer les mêmes concepts à la cytologie lymphocytaire qu'à la cytologie des éléments médullaires (hématies, granuleux et plaquettes). Dans les lignées médullaires se déroule un processus de prolifération/maturation continu et irréversible aboutissant à une cellule mûre fonctionnelle, par exemple :
myéloblaste (cellule souche) → myélocyte (cellule proliférative)
→ métamyélocytes (maturation) → polynucléaire (cellule fonctionnelle)
Un polynucléaire ne redeviendra jamais un myéloblaste.
Le processus est très différent pour les lignées lymphoïdes puisqu'il y a réversibilité. Tout se passe comme si le lymphocyte était sa propre cellule souche et le schéma devient :
lymphoblaste → lymphocyte → lymphoblaste
Le lymphocyte est capable de divisions s'il rencontre l'antigène spécifique qu'il sait reconnaître par maturation initiale. Cette transformation morphologique peut s'observer in vitro en cultivant des lymphocytes sanguins en présence d'un panantigène (la PHA). On obtient alors une prolifération de grandes cellules lymphoblastiques.
Les lymphocytes sanguins
La morphologie des lymphocytes circulants a été décrite dans le chapitre du sang normal (cf. « Sang normal » → « Cytologie descriptive »). Rappelons simplement les deux aspects du lymphocyte sanguin :
• Le petit lymphocyte à noyau aplati ou encoché et à cytoplasme réduit.
• Le grand lymphocyte à noyau quadrangulaire et à cytoplasme plus abondant.
La morphologie de ces lymphocytes se transforme lorsqu'ils sont stimulés et exercent une activité immunitaire. Ils prennent alors deux aspects différents :
• Soit celui d'un lymphocyte activé, à noyau nucléolé et à cytoplasme abondant et hyperbasophile. Ces cellules sont polymorphes et circulent dans le sang.
• Soit celui d'un plasmocyte, cellule ovalaire à noyau excentré et à cytoplasme basophile très abondant. Il s'agit de la transformation de lymphocytes B sécrétant des immunoglobulines et leur activité se situe dans les tissus lymphoïdes, très peu circulent dans le sang.
Cependant l'interprétation de la morphologie lymphocytaire reste imprécise. On ne peut savoir sur la seule cytologie à quel type de lymphocyte on a affaire, ni quel est son degré de différentiation, ni quel est son état d'activité biologique. Seules des techniques immunologiques (cytométrie de flux, immunomarquage) permettent ces distinctions.
Tissu et organes lymphoïdes
Les lymphocytes sont essentiellement présents dans le tissu lymphoïde. Celui-ci est représenté par un grand nombre d'organes.
• La moelle osseuse est le siège des cellules souches primitives qui vont donner l'ensemble des lignées lymphoïdes. La morphologie ne permet pas de reconnaître ces cellules souches qui ont sans doute l'aspect banal d'un petit lymphocyte.
• Moelle osseuse et thymus sont chez les mammifères les deux organes de maturation des lymphocytes primordiaux. Ils y acquièrent leur capacité à reconnaître un antigène unique pour la plupart d'entre eux. La moelle est l'organe de maturation des lymphocytes B, le thymus celui des lymphocytes T.
• Les lymphocytes, devenus fonctionnels, colonisent les organes et le tissu lymphoïde : ganglions, rate, plaques de Payer (micronodules lymphoïdes) situées sous la peau et sous les muqueuses bronchiques et digestives formant une véritable « peinture immunologique » à tous les points de contact avec le monde extérieur, le dangereux « non-soi ».
• L'unité morphologique de base de ce tissu lymphoïde est le follicule, formation globuleuse où cohabitent les différentes catégories de lymphocytes fonctionnels.
Les différentes parties du tissu lymphatique sont reliées entre elles par un système vasculaire qui lui est propre, les vaisseaux lymphatiques où circule un liquide incolore riche en lymphocytes, la lymphe. Ce système lymphatique double le système vasculaire sanguin et a de nombreux points de contact avec lui (entrées et sorties) si bien que les lymphocytes recirculent sans cesse entre les deux. Des lymphocytes quiescents (non engagés dans une réaction immunitaire) sont ainsi constamment à l'affut de l'entrée inopinée de nouveaux antigènes étrangers (protéines, virus, bactéries, parasites, etc.). Cette recirculation peut durer chez l'homme des années, ces lymphocytes ont un aspect banal de petits lymphocytes et sont appelés « lymphocytes mémoire », ce sont essentiellement des lymphocytes T.
Les différentes catégories de lymphocytes
On en distingue essentiellement 3 catégories : les lymphocytes T, les lymphocytes B et les lymphocytes tueurs.
1 – Les lymphocytes T
Les lymphocytes T ont une maturation première dans le Thymus (d'ou leur nom) où ils acquièrent leur spécificité immunitaire. Ils sont le support de l'immunité cellulaire et agissent directement contre l'antigène cellulaire (réponse primaire). Ils possèdent à leur surface des antigènes de différenciation spécifiques (CD2, CD3). La mise en évidence de ces antigènes par immunomarquage permet de les comptabiliser. Les lymphocytes T représentent plus de 60% des lymphocytes du sang, essentiellement sous forme de lymphocytes mémoire. Les lymphocytes T modulent la réaction immunitaire et sont :
• Soit cytotoxiques par lyse directe des cellules étrangères,
• Soit auxiliaires (« helper ») en aidant la réaction immunitaire par recrutement et activation des autres cellules impliquées dans l'immunité (autres lymphocytes, macrophage, etc.). Les lymphocytes auxiliaires sont porteurs de l'antigène de différenciation CD4 et sont dits lymphocytes T4.
• Soit suppresseurs en inhibant la réaction immunitaire quand elle n'est pas appropriée (notamment l'auto-immunité). Les lymphocytes suppresseurs sont porteurs de l'antigène de différenciation CD8 et sont dits lymphocytes T8.
Rappelons que les lymphocytes T4 sont la cible privilégiée du virus VIH qui s'y replique.
2 – Les lymphocytes B
Les lymphocytes B ont une maturation médullaire où ils acquièrent leur spécificité immunitaire, cette maturation a été d'abord décrite chez l'oiseau où elle se fait dans un organe lymphoïde spécifique, la Bourse de Fabricius, d'où leur nom de B Lymphocytes. Les lymphocytes B sont le support de l'immunité humorale et agissent indirectement par la synthèse, suivie de sécrétion, d'anticorps sous forme d'immunoglobulines (Ig).
Pour ce faire ils se transforment en plasmocytes qui sont de véritables petites usines à fabriquer des anticorps, chaque plasmocyte synthétisant plusieurs milliers de molécules d'Ig par seconde ! Les plasmocytes se cantonnent dans le tissu lymphatique et agissent à distance par les Ig qu'ils excrètent, très peu circulent dans le sang. À partir de cette sécrétion d'immunoglobulines il se forme un couplage antigène-anticorps reconnu par les cellules phagocytaires (monocytes, polynucléaires, etc.) qui le détruisent.
Les lymphocytes B possèdent à leur surface des antigènes de différenciation spécifiques (CD19, CD20) qui permettent de les comptabiliser. Ils ont aussi des Ig membranaires capables de reconnaître les antigènes. Chaque lymphocyte B ne peut reconnaître qu'un seul antigène (spécificité immunitaire), en cas de contact avec celui-ci il prolifère et donne naissance à un clone de cellules B puis de plasmocytes.
3 – Les lymphocytes tueurs
Il existe un petit contingent de lymphocytes « tueurs » (Killer en anglais) qui attaquent directement les cellules étrangères. On en distingue plusieurs catégories.
• Les lymphocytes K n'ont pas de marqueurs spécifiques (cellules nulles), se fixent sur les cellules par un récepteur Fc d'immunoglobuline et les détruisent par lyse enzymatique.
• Les lymphocytes NK (Natural Killer) sont des grands lymphocytes granuleux ayant des marqueurs spécifiques (ni T, ni B). Ils sont spontanément lytiques pour toutes les cellules anormales mais le contrôle de leur activité dépend d'un système complexe d'inhibiteurs et activateurs sous la dépendance du système immunitaire lui-même.
• Les lymphocytes NKT sont une petite sous population de lymphocytes T cytotoxiques possédant des marqueurs T et NK.